Le portugal par Robert d’Aslonnes – La Vie au Soleil N° 18 Sept oct 1951

Photo ci-contre extraite de « Sonderheft 5 – Mittelmeer 1967 ».

On a déjà dit et écrit très souvent que le Portugal est un pays charmant et charmeur. Ses paysages sont riches de couleurs et pittoresque, surtout dans le Nord. Ils font penser aux descriptions que l’on trouve dans les contes de fées. Les petits jardins d’orangers nichés dans des creux de la montagne multicolore, les cascades en zig-zag où coule une eau pleine de soleil sont bien de nature émerveiller.

Une des filles fabuleuses des contes de notre enfance surgirait d’un tel cadre qu’on n’en serait pas étonné. Mais retenons notre imagination, et voyons la vie, telle qu’elle est, afin d’en venir au point de vue naturiste, ce qui est notre propos.

En ce pays favori de la nature, une population souriante et douce, au teint bronzé, vit lentement. Des hommes, coiffés des mêmes chapeaux de feutre, des femmes, avec en équilibre sur la tête, de lourds paniers de denrées, vont et viennent sans hâte, la plupart du temps pieds nus.
Ces aspects, très couleur locale sont moins fréquents dans le sud, ainsi qu’en grande ville, où il est, en principe, interdit d’aller pieds nus.

Le français ne se sent pas tellement étranger, en ce pays où règne la propreté; exception faite des quartiers populaires de Porto qui sont la tare de cette grande ville moderne, la  » ville travail  » comme on l’appelle ici. Les trains sont propres, et le voyageur venant d’Espagne est agréablement surpris.

On trouve partout le livre français. A Lisbonne, à Porto, à Coimbra, la ville universitaire, on parle fréquemment le français, enseigné à l’école et à l’Université.
Le Portugal est un paradis pour les amateurs de fruits, naturistes ou non, et aussi pour les campeurs, malgré la tradition à braver. En effet, les regards réprobateurs condamnent toute femme qui ose se promener en short. Le sentiment religieux ici, à base de tradition, de fatalisme et même de fanatisme ( reste de l’influence arabe) est un frein puissant à tout progrès. On est souvent étonné de ce qu’il produit dans le domaine social. Par exemple, l’action catholique fait campagne pour qu’à l’école, on sépare les filles et garçons à partir de l’âge de cinq ans au lieu de six jusqu’alors. Mais ce même mouvement tolère et admet par son silence l’existence d’une multitude de maisons de femmes fréquentées régulièrement et au grand jour par la plupart des jeunes gens.

Il est vrai que ces derniers ne peuvent avoir aucune relation avec les jeunes filles sans qu’il y ait officialisation immédiate et fiançailles qui les lient définitivement. Il n’est pas possible, pour une femme, même accompagnée de son mari, d’aller au café sans causer un véritable scandale. On ne peut se baigner qu’avec le « complet maillot », comportant pour les hommes une demi-jupe obligatoire sur le devant; sauf sur une certaine plage des environs de Lisbonne, fréquentée par le corps diplomatique, qui bénéficie d’une surveillance policière moins serrée, pour permettre à ces personnalités de se baigner tranquillement. Pour finir, ne disons rien de ce qui se passe dans certains yachts ancrés dans la baie du Tage, et fort bien fréquentés.

Photo extraite de « Sonderheft 13 – Mittelmeer », 1967

Cette situation découle des exagérations d’une morale atteinte de fixisme, non pas dans des principes qu’elle n’a pas, au sens où on l’entend chez nous, mais dans des aspects qu’elle impose. Et pourtant, à l’opposé de tout cela, et comme pour nous le faire oublier, le bon cœur de l’hospitalité des Portugais ne donne nullement l’apparence d’être superficiels. Chez les gens du peuple, comme chez les autres, on se met totalement et avec joie au service du nouveau venu. Qu’on le connaisse ou non, on l’aide, on l’invite, on l’interroge, en un mot on l’accueille. Ceci est bien le propre de la mentalité des Portugais, puisqu’on retrouve ce même sens dans l’hospitalité au Brésil, qui a été colonisé par eux.

Souhaitons que ce qu’on appelle le progrès, ne supprime pas, comme il a commencé de le faire au Brésil, le sens de l’entraide fraternelle et anonyme que j’ai tant apprécié.

Évidemment, le naturisme intégral ne peut pas avoir d’existence légale. De plus, dans un pays de vignerons et de pêcheurs, on conçoit qu’il est difficile d’avoir même seulement une alimentation naturiste. Seuls les dirigeants de la Société de Naturologie de Lisbonne sont capables d’une telle discipline, et il faut les en féliciter. Grâce à leur dévouement, la Société Portugaise de Naturologie, l’unique association naturiste autorisée par le gouvernement peut faire une active propagande en faveur d’une alimentation plus saine. Mais les médecins n’ont pas le droit de faire partie de cette association (clause statutaire imposée par la loi), et, quoiqu’on pense, ceci est un inconvénient qui gêne son développement.

En ce qui concerne les bains d’air, d’eau et de soleil en gymnité, les rares personnes qui les pratiquent (j’en ai rencontré une) doivent le faire avec beaucoup de précautions, et dans des endroits plus isolés. Aussi, un mouvement naturiste intégral n’a aucune chance de succès au Portugal actuellement, et cela est grave pour la santé du pays.

Pourtant, il y a un espoir de renouveau du côté du camping, qui est assez développé. Grâce à des dirigeants actifs et fervents du camping, la Fédération de Camping est né, et prend de plus en plus d’importance. Des maisons-abris ont été installées un peu partout dans le pays, et surtout au bord de la mer, pour le camping d’hiver. Et de plus en plus, les jeunes de ce pays délaissent le café pour faire leurs premiers pas vers la nature.

S’ils le font au début en conservant les défauts de la ville : tabac, vin, viande et alcool, ces défauts sont tout de même un peu atténués par la vie dans une ambiance naturelle. Et c’est à partir du camping que l’on peut espérer, ici, une transformation du genre de vie. Celle-ci doit se faire dans le sens d’une libération de préjugés néfastes par leurs conséquences, d’une amélioration des mœurs par une morale plus rationnelle, en résumé d’une vie plus saine physiquement et mentalement.

Pour conclure, on ne peut que conseiller d’aller rendre visite aux campeurs portugais. Le Portugal, petit pays, grand par son passé, étonnant et souvent paradoxal, sait malgré tout retenir le voyageur et l’enchanter. Et en allant au Portugal, les campeurs français serviront une double cause, celle de leurs porte-monnaie et celle des campeurs portugais.

L’accueil chaleureux qu’ils recevront de tous leur permettra d’en rapporter le meilleur souvenir, sinon de la nostalgie, et d’y conserver de nombreuses amitiés.

Robert d’Aslonnes

Societade gimnica Portuguesa- vivre intégralement - 3éme trimestre 1933

Photo extraite de « Vivre », 3éme trimestre 1933

Autre article sur le Portugal sur ce blog :
http://my.opera.com/progmarseilleman/blog/naturisme-au-portugal

Cet article a 2 commentaires

  1. anonymous

    Island writes:Quel beau texte et bien écrit ! Merci Bruno Saurez. Je ne connais pas le Portugal , mais quand même !!! Mon ex beau père était portugais et dans ce texte je retrouve ce qu'il me disait. Un beau pays touristique avec des plages magnifiques et un accueil , d'après ses dires, hors du commun. J'ai du moi aussi, offrir, devant toute la famille, la bague de promesse, puis les fiançailles, et le mariage.Je ne doute pas que dans ce charmant pays, et sur ces plages le naturisme pourrait y être très agréable et le tourisme, sous le soleil d'Algarve, bien enrichissant. Peut-être un jour.

  2. Hélène Labelle

    – On a évolué en bientôt 50 ans: le Portugal a mis fin en 1974 à la dictature de Salazar, et est devenu un pays en pointe en matière de moeurs (mariage homosexuel, euthanasie, par exemple).

    – Les côtes portugaises ont parfois été surbétonnées, mais moins qu’en Espagne (où d’ailleurs la côte méditerranéenne est bien plus bétonnée que la côte atlantique).

    – « S’ils le font au début en conservant les défauts de la ville : tabac, vin, viande et alcool »
    En quoi le vin, la viande et l’alcool sont des défauts de la ville???????? Primo on a toujours produit et bu du vin et de l’alcool, produit et mangé de la viande, dans les campagnes, et secundo ce n’est nullement un défaut!

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