« Je n’accepterai pas de forage pétrolier en Méditerranée au large des calanques », avait promis-juré Nicolas Sarkozy pendant sa campagne en 2012. Un vert souhait repris à son compte par la ministre socialo de l’Environnement Delphine Batho, qui en 2013 a décrété que plus aucun permis de recherche d’hydrocarbures ne serait délivré en Méditerranée. Et tant pis pour la compagnie britannique Melrose Mediterranean Limited, laquelle avait obtenu, en 2002, un premier permis (valable trois ans), suivi d’un second (valable cinq ans), et qui, en 2010, a déposé une nouvelle demande pour cinq ans. Et qui attend toujours la réponse.
Ce permis, dit « Rhône maritime », l’autorise à rechercher du pétrole et du gaz sur une surface de 9 375 km². Et cela à 50 km des calanques marseillaises. Pas loin du Parc naturel de Port-Cros. Et pas loin non plus de Pelagos, immense réserve à cétacés où évoluent dauphins et rorquals communs… Courageusement, la France n’a pas satisfait à la demande de Melrose. Sauf qu’ignorer n’est pas annuler. Le 19 décembre, le Conseil d’État, poursuivant les conclusions du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, a condamné l’État à répondre dans les deux mois à la demande de Melrose. Ce qui revient, pointent les juristes, à lui donner l’autorisation de forer !
Maître Sébastien Mabile, avocat du Parc National des Calanques, explique ce tour de passe-passe : « Selon le Code minier, à partir du moment où un permis a été accordé, l’accord de renouvellement est quasi automatique dans la mesure où l’entreprise respecte ses engagements. » Ses engagements financiers, évidemment. Question impact écologique, c’est une autre paire de manches… En 2010, Melrose s’était illustré par une campagne de reconnaissance par ondes sismiques qui n’avait pas fait grand bien aux cétacés du coin.
À grands coups d’ondes sismiques
La suite s’annonce tout aussi alléchante. «
Melrose prévoit une campagne de reconnaissance pour cartographier le sol en trois dimensions, grâce à des émissions d’ondes sismiques encore plus puissantes. Et un forage exploratoire d’un puits creusé à 2 500 mètres de profondeur ! Un truc de fou, en pleine zone sismique », s’inquiète Denis Lieppe, expert au comité français de l’
Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Lequel rappelle que cette technique de recherche par forage
offshore très profond, particulièrement risquée, est celle qui a été utilisée par la compagnie pétrolière
BP dans le Golfe du Mexique… «
Vous imaginez une marée noire allant de Marseille jusqu’à Nice ? »
Président du Parc National des Calanques, Didier Réault (élu UMP) tente de se persuader que « le gouvernement ne veut pas de ce permis » et que « des solutions juridiques existent » pour bloquer les forages. En effet, si les parcs nationaux de Port-Cros ou des Calanques ne donnaient pas leur consentement,
le préfet pourrait refuser à Melrose l’autorisation de reprendre ses travaux… « Encore faut-il prouver qu’il y ait un impact : lors de sa campagne sismique, Melrose avait déjà obtenu une autorisation sur un périmètre éloigné de ces zones protégées, et avait débordé largement », rappelle Denis Lieppe. Lequel a de sérieux doutes sur la capacité de Ségolène Royal à freiner les ardeurs des pétroliers en Méditerranée.
Le 9 décembre, la ministre a pourtant suspendu le projet Abyssea. Celui-ci prévoyait la construction, au large des îles d’Hyères, de deux plateformes sous-marines offshore expérimentales de recherche d’hydrocarbures. Suspendu, mais pas annulé, bien sûr. On a eu peur !
Le Canard Enchaîné N° 4918 du 28 janvier 2015